Comment les institutions financières doivent-elles faire face aux nouveaux enjeux règlementaires ?
Dix ans après la crise financière des subprimes, l’industrie bancaire a connu une profonde mutation marquée par un renforcement des exigences règlementaires. L’environnement bancaire mondial devient de plus en plus complexe : plus de 300 millions de pages de documents réglementaires ont été publiés et plus de 600 initiatives législatives doivent être assimilées par une institution de taille moyenne pour avoir une vision globale de son rulebook¹ .
Pour faire face à leurs obligations, d’importants efforts budgétaires ont été consentis en vue de se conformer, retardant les investissements nécessaires pour entrer dans l’ère du digital. Ces dépenses s’élèvent à plus de 70 milliards de dollars par an et ce chiffre devrait atteindre 118 milliards de dollars d’ici à 2020² .
Depuis la crise financière de 2008 et des récentes périodes de récession, le revenu des banques s’est érodé de 30 %³ et leur rentabilité est passé de 14 % à 3 % . A cela s’ajoutent, les coûts considérables de non-conformité. Les amendes ont connu une hausse de 105 %, se chiffrant ainsi en milliards de dollars , en raison de mauvaises pratiques des acteurs du secteur : manipulation sur le marché des changes, blanchiment d’argents etc.
Dans ce contexte, les dépenses en faveur des projets de conformité nécessitent d’être revus afin de réduire le coût total de possession (TCO), optimiser l’efficacité opérationnelle et améliorer les résultats financiers. Comment atteindre ces objectifs ?
La fonction de conformité : le nouvel épicentre d’une économie bancaire future.
Les enjeux de la conformité
1. Une nouvelle ère pour la règlementation
Suite à l’adoption de la plupart des réformes règlementaires d’après-crise, l’attention des autorités de supervision portera en 2019-2020 sur la bonne mise en œuvre des exigences règlementaires par les acteurs.
Les entreprises doivent se préparer à répondre à ce changement d’orientation. Elles devront, d’une part, s’assurer que les multiples règlementations ont été convenablement implémentées et d’autre part, optimiser au mieux leurs stratégies opérationnelles et leur business model afin d’atteindre leurs objectifs de réduction des coûts et améliorer leurs performances pour leurs clients.
2. Des exigences règlementaires multiples
Les exigences règlementaires sont devenues plus complexes – en particulier pour les entreprises qui exercent leurs activités dans plusieurs territoires de compétence. Ces entreprises sont souvent confrontées à un manque de coordination des règlementations et, par conséquent, à une appropriation hétérogène de l’agenda règlementaire ; ce qui créé souvent des difficultés de mise en œuvre et augmente le risque de sanction.
3. L’approche Data-Driven au service de la conformité
Malgré l’intégration de l’analyse des données dans la prise de décision, certaines banques demeurent sceptiques quant à l’utilisation de ces capacités à des fins de conformité. Elles ne saisissent pas l’étendue des avantages que l’usage avancé de la donnée peut apporter à cette activité essentielle tels que la réduction des processus manuels, l’automatisation du calcul des indicateurs de risque ou de performance clés, l’amélioration des reportings etc.
4. L’émergence des technologies
Lorsqu’il s’agit de décisions règlementaires, les institutions bancaires et financières deviennent frileuses et n’entrent pas dans une course à l’innovation. Bien que les technologies numériques introduisent de nouveaux risques, elles peuvent également améliorer la gestion des risques, en offrant de nouvelles capacités de surveillance, de mesure et de reporting. La conformité doit agir en temps réel et changer sa position traditionnelle de « wait and see ».
Alors, quelles réponses pour faire face à ces 4 enjeux ?
- Adopter une approche holistique de la conformité: Cette approche devient un “must do” plutôt qu’un “nice to have”. Préalablement à l’implémentation d’une nouvelle règlementation, une analyse d’impact approfondie devient indispensable. Il est recommandé d’impliquer toutes les parties prenantes dès le début – non seulement la conformité, mais aussi le front office, les services juridiques, les services IT, les risques et les unités opérationnelles.
- Rapprocher les fonctions de conformité au front office : Les métiers de la conformité ne doivent plus être considérés comme des fonctions supports, mais comme des partenaires essentiels des métiers, qui rendent compte au plus haut niveau de la banque. Leur rôle est de plus en plus stratégique, voire différenciant, dans la maîtrise de la relation client. Les équipes de conformité doivent renforcer leurs compétences technologiques, en complément de leur savoir-faire métier, des processus et des réglementations.
- Construire un modèle fédéré (en opposition à un modèle central) ; Travailler sur l’interopérabilité des données, c’est–à–dire, la mise en partage de l’information pour soutenir la collaboration entre les différents métiers. Ce type de modèle permet aux lignes métiers de focaliser leurs fonctions informatiques et opérationnelles sur leurs besoins spécifiques, gagnant ainsi en autonomie et en réactivité.
- Changer de culture : Devenir un « data geek » et adopter de nouvelles technologies à la bonne vitesse, en automatisant tôt et souvent et en développant de nouvelles approches pour conduire l’innovation.
Les solutions clefs pour un déploiement règlementaire efficace
Après avoir identifié les approches les plus pertinentes, nous vous livrons les bonnes pratiques pour les mettre en œuvre.
1. Changement de culture / Design thinking
- Réaliser un « performance plan » : Examiner l’ensemble des coûts inutiles et optimiser son budget en s’inspirant de méthodologie du Zero Base Budget.
- Lancer l’approche Commando : dans des contextes de délais serrés et de complexité élevé, cette méthode stratégique et systématique est basée sur un flash diagnostic et fait intervenir une équipe d’experts en compliance / data / Architecture IT et méthodes « compliance agile ».
- Business Empowerment (Augmented Compliance Officer) : Utiliser la data avec de l’intelligence artificielle et du machine learning pour augmenter la performance opérationnelle en automatisant et en réduisant les coûts.
- Devenir « Data-Driven » avec une approche « Data Self-Service » pour gagner en autonomie : Les équipes métiers et IT sont chacune plus autonome au quotidien sur l’exploration de nouvelles opportunités pour les premiers, et sur l’amélioration continue pour les seconds.
2. Adoption des nouvelles technologies
- Open Compliance Data : Passer à une architecture événementielle granulaire, flexible facilitant l’agilité et l’automatisation des traitements. Les APIs pourraient, par exemple, permettre le reporting direct des transactions aux autorités de supervision.
- Partenariat RegTech sur les sujets non stratégiques : Les solutions Regtech aident, aujourd’hui, de nombreuses institutions à rendre la conformité moins complexe et exigeante en termes de ressources. Elles pourraient libérer du budget pour des usages plus productifs, améliorer la qualité et l’efficacité de la supervision et réduire le risque.
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RCSI et RCCI peuvent décider de maintenir un modèle plus traditionnel. Ils continuent à empiler processus et solutions informatiques et espèrent offrir de nouvelles capacités à leurs équipes.
Ces investissements génèrent dans la plupart des cas le chaos dans les services, les compétences, les processus et la culture de l’entreprise. Avec cette approche, ils resteront dans l’incapacité de répondre aux enjeux actuels des FSI c’est-à-dire contribuer aux efforts de réduction des coûts, d’amélioration de l’efficacité opérationnelle et de transformation.
En adoptant une culture agile et une organisation centrée sur la donnée, la conformité a une opportunité unique d’être un vecteur de transformation et de jouer un rôle plus décisif dans la stratégie globale de l’entreprise.
Références
[1] JWG, 2017 – « Letter to the Financial Conduct Authority (FCA) »,
[2] Duff & Phelps, 2019 – « Global Regulatory Outlook 2019, Are we there yet ? »,
[3] CGFS Papers, 2018 – « Structural changes in banking after the crisis ».
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Agenda règlementaire 2019
Par Sabrine Aouida | 15.07.2019 | Article
La vague règlementaire post-crise financière de 2008 n’est, à ce jour, pas terminé. Alors que les gestionnaires d’actifs et les investisseurs institutionnels peinent encore à finaliser la mise en oeuvre des dispositions règlementaires à grande échelle telles que la directive MiFID 2, MMFR, LCB/FT, EMIR, DSP2, de nouveaux enjeux émergent.