Amazon bouleverse le marché de services financiers
Amazon complète petit à petit son arsenal de services financiers et est en route pour faire disparaître la banque.
Les institutions financières et plus particulièrement les responsables d’innovation, chief digital officer et tous les nouveaux rôles crées pour accompagner les banques dans leur transformation digitale ne considèrent pas Amazon comme un acteur sérieux. Consultante dans les services financiers, j’observe au quotidien le mouvement des Fintechs et des Big Tech. L’exemple récent d’Apple et de sa carte de crédit montre la pression grandissante des Big Tech sur ce marché et, malgré ce constat, seul 15% des salariés bancaires pensent que l’émergence des GAFA remet en question leur modèle économique.
Pour comprendre la menace qu’Amazon représente pour les banques, cet article vous propose un tour d’horizon de ses 5 offres de services financiers :
- Dépôt d’argent en Inde,
- Crédit pour faciliter la trésorerie des vendeurs de sa Marketplace,
- Paiement en révolutionnant la manière de faire ses courses au supermarché,
- Assurance produit pour améliorer l’expérience sur Amazon.com,
- Conseiller bancaire avec les services d’Alexa.
Aujourd’hui, il ne reste que l’investissement où Amazon n’est pas présent. Certains grands groupes financiers comme JP Morgan, Capital One ou Aviva ont bien compris le danger que représente cet acteur qui maîtrise la technologie et l’expérience client et ont déjà entrepris des partenariats avec le géant du e-commerce
Amazon, une banque en Inde
En Inde, marché d’1,3 milliards d’habitants, seulement 6% de la population adulte possède des cartes de crédit. Dans un pays où de nombreux clients préfèrent régler leurs commandes en espèces, Amazon a su développer son offre de dépôt d’argent par l’intermédiaire du Cashload dans Amazon Pay. Cette fonction permet de déposer de l’argent sur un compte Amazon Pay lors du passage d’un personnel d’Amazon pour la livraison d’un colis.
Cette épargne peut servir à régler de futures commandes mais aussi plusieurs types factures, les impôts ou bien les transports via des sites internet partenaires. L’application a également intégré le suivi des dépenses. Le géant du web vise ainsi conquérir 100 millions de consommateurs supplémentaires dans ce pays qui comptait 480 millions d’internautes en 2018, nombre en croissance de 25% par an [1] . Contrairement aux acteurs bancaires traditionnels, Amazon investit sur ce marché complexe et l’utilise comme terrain d’expérimentation de nouvelles offres.
Une offre de crédit déjà existante
Amazon a développé une offre de crédit destiné aux vendeurs de la Marketplace permettant au plus grand nombre d’accéder à ses services et de les aider à développer leur chiffre d’affaires sur la plateforme.
Depuis 2011, Amazon Lending a consenti plus de 3 milliards de dollars de prêts. Il s’agit de prêts aux petites entreprises, de courte durée (4 à 6 mois) et d’un montant maximal de 750 000 dollars. En 2018, Amazon s’est associé à Bank of America Merrill Lynch pour développer cette activité tout en réduisant le risque de crédit.[2] Le processus est rapide et simple. Amazon se contente des informations déjà en sa possession et donne une réponse dans la journée. Le remboursement des prêts est lui aussi d’une grande simplicité, le prélèvement des mensualités s’effectuant directement sur le chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise.
Bientôt, des comptes bancaires
Pour déployer son offre de compte bancaire, le géant de l’e-commerce mise sur une cible qu’il connaît bien : les jeunes. Contrairement aux banques, la firme noue déjà des relations commerciales privilégiées avec cette partie de la population et souhaite aller plus loin en leur proposant ce nouveau service. Leur stratégie est de prendre en charge la distribution et l’expérience client et de laisser aux banques la gestion des dépôts bancaires. Pour cela, Amazon a initié en 2018 un rapprochement avec des banques américaines en vue d’un partenariat : JP Morgan et Capital One[3].
Les courses sans moyen de paiement physique
Amazon révolutionne la manière de faire les courses grâce à Amazon Go, son supermarché nouvelle génération. En supprimant l’étape du paiement à la caisse, Amazon réinvente le parcours client et simplifie l’acte d’achat. Pour accéder à ce nouveau service, le consommateur doit posséder un compte Amazon et avoir téléchargé l’application sur son mobile. Une fois dans le magasin, chacune de ses actions (ajout d’un produit dans le panier, remise en rayon d’un produit, etc.) est captée afin de mettre à jour son panier virtuel. Lorsque ses achats sont terminés, le consommateur sort du magasin sans passer par la caisse, son compte Amazon sera prélevé directement.
En France, Amazon propose depuis septembre 2018 les produits du groupe Casino en vente sur son site internet et sur son application mobile. Le deuxième axe de ce partenariat consiste en l’installation de consignes, les Amazon Lockers. Les magasins du groupe espèrent ainsi accroître leur fréquentation en drainant de nouveaux consommateurs. Le déploiement du service Amazon Go sera-t-il la prochaine étape de ce partenariat ?
Alexa remplace le conseiller bancaire
Désormais, ce ne sera plus à un conseiller bancaire qu’il faudra demander des informations sur son compte en banque mais à Alexa, l’assistant vocal d’Amazon. La banque américaine USAA s’est lancée en ouvrant l’accès à une partie de ses services via Alexa. L’offre est pour le moment limitée à l’historique des dernières transactions ou la consultation du solde. USAA cherche principalement à se distinguer sur la forme en reproduisant la fluidité d’une conversation humaine avec un de leurs conseillers. Pour atteindre cet objectif, la banque a signé un partenariat sur la maîtrise du langage naturel avec la start-up Clinc.
Un début dans l’assurance produit
Amazon propose dorénavant un produit d’assurance aux acheteurs de la Marketplace, Amazon Protect, qui offre une couverture contre les pannes. Les utilisateurs ont la possibilité d’étendre d’un an la garantie des produits qu’ils achètent sur Amazon, sans engagement pour les petits appareils ménagers. Cette assurance leur permet de bénéficier d’un remboursement intégral durant les 2 premières années et proportionnel au-delà.
La souscription à des services financiers via Amazon
Souscrire à un contrat d’assurance en ligne peut s’avérer une tâche pénible. De nombreux clients abandonnent en cours de souscription en raison de formulaires trop long à compléter. Par conséquent, les assureurs perdent de potentiels clients. Pour y remédier, l’assureur Aviva a décidé de se rapprocher d’Amazon et de sa solution Amazon Pay, regroupant plus de 30 millions d’utilisateurs. Les informations stockées sur son compte Amazon permettent de compléter automatiquement les champs d’un formulaire et le paiement s’effectue par un simple clic avec Amazon Pay.
Ce partenariat concerne aujourd’hui les contrats d’assurance automobile et habitation, mais Aviva envisage d’étendre cet usage aux contrats d’assurance santé et emprunteur. Pour Amazon, il s’agit de ses premiers pas dans le domaine de la finance en France. Sur le marché allemand, les utilisateurs peuvent déjà souscrire à une assurance via Alexa.
Amazon s’est déjà positionné sur 5 piliers financiers : paiement, crédit, compte bancaire, conseil et assurance et a pu roder ses offres sur des marchés complexes et peu desservis par les offres bancaires traditionnelles :
- Les pays émergents et peu bancarisés comme l’Inde,
- Les petites entreprises,
- Les jeunes consommateurs.
Amazon propose une offre de services financiers, innovante et technologique grâce notamment à l’automatisation. Le géant américain du e-commerce bénéficie d’une excellente image de marque et de la confiance de ses utilisateurs par sa stratégie qui place le client au centre de son offre. Mais Amazon ne souhaite pas devenir une banque, il préfère intégrer les produits financiers et les redistribuer à ses clients à travers une expérience de qualité.
Le risque est alors la disparition de la banque ou du moins d’en limiter le nombre d’acteurs. Les plus innovants l’ont déjà compris et ont initié des partenariats. Les banques doivent être favorables aux alliances : pour éviter qu’Amazon devienne leur concurrent demain, elles doivent en faire leur allié aujourd’hui.
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[1]Forbes, May 2018, « Report Amazon India worth 16billion with 30 market share will hit 70b gmv in 2027 »
[2] Forbes « How Amazon is impacting small business finance ? »
[3] Revue banque n°821, juin 2018 « GAFA et Banques, concurrent ou partenaires ? »
Chloé Chaufard – Consultante en Stratégie chez WeeFin
@C11Chloe
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