Il devient nécessaire pour les acteurs financiers de s’approprier et d’intégrer les enjeux climatiques au cœur de leur stratégie d’investissement, notamment avec le développement de réglementations, comme le pacte vert européen et l’Article 29 LEC, qui demandent aux acteurs de mesurer l’alignement de leurs investissements/portefeuilles sur des trajectoires de température bas carbone. Cette mesure peut s’effectuer à travers la métrique d’Alignement-climat qui permet aux acteurs financiers de répondre à plusieurs défis et enjeux.

Qu’est-ce que l’Alignement-climat ?

L’Alignement-climat est une métrique issue de modèles mathématiques permettant de définir si une entreprise ou bien un portefeuille d’actifs est aligné sur une trajectoire de limitation de la hausse de la température mondiale (à 2°C ou à 1,5°C par exemple) à un horizon défini.

Le degré d’alignement peut être exprimé :

  • De manière qualitative : le portefeuille est ou n’est pas aligné
  • Sous la forme d’un score
  • Sous la forme d’un pourcentage (% d’alignement des actifs d’un portefeuille)
  • Sous la forme d’une mesure d’élévation de la température (Implied Temperature Rise) comme 2,5°C par exemple

L’Alignement-climat est une métrique s’intégrant à une approche forward looking, qui consiste à se projeter sur un horizon de temps sur un ou plusieurs scénarios.

Cette métrique :

  • Est un exercice complexe qui porte une intention forte ;
  • S’appuie sur les outils de l’analyse par scénarios ;
  • Intègre une dimension dynamique et prospective en projetant les émetteurs dans un futur court, moyen et/ou long termes.

Comment cette métrique s’inscrit-elle dans le paysage règlementaire ?

De multiples initiatives règlementaires visent à promouvoir (i) la transparence, (ii) la responsabilité et (iii) l’alignement des investissements sur une trajectoire bas carbone. Parmi ces initiatives, on retrouve la Taxonomie européenne, SFDR, l’Article 29 de la LEC, MiFID II et DDA ESG, la Doctrine AMF. Ces dernières induisent des risques pour les acteurs financiers : retour en arrière, juridique ou encore marginalisation de l’offre.


La mesure de l’Alignement-climat des portefeuilles permet de mitiger ces risques de conformité notamment ceux associés au règlement SFDR et à l’Article 29 LEC. Ce dernier impose notamment aux sociétés de gestion, depuis Juillet 2022, de communiquer sur l’alignement de la stratégie d’investissement avec des objectifs d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre selon 2 objectifs :

  • Les Accords de Paris (limitation de la hausse des températures en dessous de 2°C)
  • La stratégie nationale bas-carbone (uniquement si les investissements sous-jacents du produit financier sont entièrement réalisés en France)

Focus sur les exigences de l’Article 29

La métrique d’alignement-climat inclut dans sa méthodologie toutes les informations demandées ci-dessus. Ainsi, il est possible de faire de ce contexte réglementaire une force différenciante de votre stratégie !

En effet, les exigences réglementaires l’Article 29 LEC et la complexité des méthodologies alignement-climat posent des enjeux majeurs aux acteurs financiers :

  • Enjeux opérationnels : sélectionner les bonnes solutions d’alignement-climat adaptées à vos besoins et savoir les intégrer et implémenter dans vos processus ESG ;
  • Enjeux d’analyse : s’appuyer sur la complémentarité des approches et des solutions pour identifier des insights clés et repérer des signaux faibles ;
  • Enjeux stratégiques : intégrer et articuler l’alignement-climat à une stratégie d’investissement durable globale plus ambitieuse et différenciante !

Quels sont les usages de la métrique ?

Le degré de contrôle de la qualité des données doit être proportionnel à l’emploi qui en est fait !

A quels enjeux sont confrontés les acteurs financiers concernant cette métrique ?

  1. Compréhension : s’approprier la métrique et en faire un indicateur pertinent dans les décisions d’investissement
  • Déconstruire la métrique en décryptant les choix méthodologiques, hypothèses et approximations sous-jacentes
  • Connaître et comprendre les limites méthodologiques ainsi que la portée des résultats

2. Stabilité et données : sélectionner un indicateur reposant sur une méthodologie robuste afin de construire une stratégie d’investissement durable cohérente et ambitieuse

  • Avoir une méthodologie stable dans le temps (faible impact des changements méthodologique)
  • S’assurer de la disponibilité et de la qualité de la donnée (bonne couverture du portefeuille par la métrique, disposer de données réelles et limiter les données estimées)
  • méthodologiques ainsi que la portée des résultats

3. Règlementation : remplir toutes les exigences règlementaires afin de limiter le risque de non-conformité dans un contexte de fort essor réglementaire

4. Transparence : construire une stratégie d’investissement durable transparente et compréhensible qui limite l’effet boîte noire

  • Être en mesure d’expliquer la métrique à l’investisseur final

Déployer une stratégie d’alignement sur l’Accord de Paris : par où commencer ?

Si la définition d’un cadre méthodologique commun est nécessaire, il existe en réalité autant d’approches possibles que de combinaisons de ces hypothèses et choix méthodologiques.

La clé pour une stratégie d’investissement ambitieuse, holistique et différenciante est de s’appuyer sur la complémentarité des solutions afin d’en extraire les insights clés et de repérer les signaux faibles !

En bref, il vous faut suivre 3 étapes pour y parvenir :

  1. Définir clairement et de manière transparente le cadre méthodologique et des choix techniques
    La définition du cadre méthodologique fait référence à tous les choix techniques d’indicateurs, de scénarios et de conversion de ces scénarios en trajectoires benchmark.

    Choix stratégiques et méthodologiques à faire :
  • Données en input (émissions de GES, mix technologies, etc.)
  • Couverture (corpo rate / souverain, scope 3, secteurs carbo-intensifs)
  • Scénarios : 1, 2, ou davantage de scénarios
  • Benchmark (émissions absolues, intensité éco ou physique, etc.)

2. Disposer des données pour mesurer la performance climatique de ses actifs et par agrégation au niveau de ses portefeuilles

Le cadre méthodologique défini au préalable permet ensuite de déterminer l’alignement-climat d’une entreprise en comparant sa performance future à un benchmark

Choix stratégiques et méthodologiques à faire :

  • Outputs : Implied Temperature Rise (ITR), degré d’alignement, score, analyse qualitative
  • Horizons de temps : 2030, 2050 et tous les 5 ans
  • Méthodes d’agrégation : pondération par propriété, approche par revenu, moyenne pondérée, pondération par émissions, etc.

3. Fixer des objectifs quantitatifs d’alignement et s’outiller pour le pilotage et le reporting de la métrique « alignement-climat »

Afin d’obtenir l’alignement-climat du portefeuille, il faut déterminer l’alignement de tous les émetteurs et agréger les résultats au niveau du portefeuille.

Choix stratégiques et méthodologiques à faire :

  • Communication sur un plan d’alignement / réduction
  • Représentativité du portefeuille vis-à-vis de l’économie mondiale ?
  • Utilisation non-biaisée de la métrique à des fins de reporting

Les solutions

Les solutions ci-dessus ont été mises en place pour aider les acteurs à faire face aux limites méthodologiques rencontrées pour mesurer leur alignement-climat.

Toutefois, selon Luc Olivier de LFDE, cette métrique ne peut être l’unique mesure d’impact utilisée :

« Le calcul de cette métrique reste un modèle imparfait. En effet, il est basé sur des hypothèses très nombreuses dont la méthodologie de calcul varie selon le provider choisi. Nous pensons donc que cet indicateur ne peut pas garantir l’impact d’un fonds et doit donc être utilisé en complément d’autres stratégies, notamment à travers la mise en place d’un engagement actionnarial fort et continu. »

Luc Olivier, gérant d’Echiquier Climate Impact Europe à La Financière de l’Echiquier.

Quelles sont les principales limites en terme de données ?

La principale faiblesse des méthodes d’alignement-climat des portefeuilles est le manque de données. En effet, la disponibilité des données ainsi que leur qualité varie selon les entreprises et les secteurs d’activité. Il est donc fréquent d’être confronté à des données manquantes ou de mauvaise qualité pour plusieurs raisons :

  • La difficulté de reporting de la donnée par les entreprises (ex : scope 3 émissions de GES)
  • Données non disponibles pour certains secteurs
  • Erreurs de traitement dans le reporting des données extra financières par les entreprises

Points d’attention des régulateurs :
• Prendre en compte les scope 1, 2 et 3 dans le calcul de la métrique d’alignement
• Être capable de recalculer une fois par an l’alignement du portefeuille
• Provenance des données et couverture du portefeuille
• Fiabilité des données
• Gestion des données manquantes

Nos recommandations :

  1. Exclusion : il est recommandé d’exclure les secteurs ou les sociétés comportant trop de données manquantes car cela peut conduire à un résultat d’alignement biaisé et décorrélé de la réalité.
  2. Pénaliser les secteurs ou les sociétés comportant trop de données manquantes par exemple en leur attribuant un score par défaut.
  3. Entamer un dialogue avec ces entreprises.
  4. Mettre en place un contrôle de la donnée :
    • Ex-ante : Croiser les données avec différentes sources afin de s’assurer de l’exactitude des données et remplacer les données manquantes
    • Ex-post : Contrôler par échantillonnage une fois par an l’alignement en utilisant les sous-indicateurs
  5. Indiquer le taux de couverture du portefeuille.
  6. Indiquer si des données sont estimées et la manière dont elles sont estimées.

La donnée n’est toutefois pas l’unique limite liée à cette métrique. En effet, Yolande Poulou d’Axa IM nous explique la complexité du calcul de cet alignement climat :

« Plusieurs limites existent dans la méthodologie de calcul de l’alignement d’une entreprise. D’une part, il y a un manque de granularité dans la déclinaison sectorielle des trajectoires de décarbonation pour évaluer précisément si les objectifs de réduction des gaz à effet de serre d’une entreprise sont compatibles avec un objectif de décarbonation plus global. D’autre part, dans les modèles de température, les critères qualitatifs qui permettraient d’attribuer à un engagement une probabilité d’être atteint, ne sont pas ou très peu pris en compte. En effet, chaque société devrait être analysée pour s’assurer que son plan de décarbonisation est solide, et donc que son objectif de réduction carbone est réaliste et crédible. Les données quantitatives permettant d’évaluer la probabilité que ces objectifs soient atteints restent très limités, même si la qualité de la donnée devrait s’améliorer avec le renforcement des réglementations en finance durable. »

Head of Responsible Investment Tools,
Models & Solutions chez Axa IM

Comment intégrer la métrique alignement-climat à votre stratégie grâce à ESG Connect ?

Le module dédié à l’Alignement-climat

Pour plus de détails, nous vous invitons à consulter les annexes.